Les Billets de Monocle

China on the road to North Korea

22 mai 2024

George Magnus est un des membres du China Center à l’université d’Oxford. Auparavant, il fut pendant vingt ans (1995-2016) le chef économiste d’UBS. Il connaît donc bien et les marchés, et la Chine.

Par conséquent, quand il écrit il y a quinze jours dans le Financial Times un article intitulé «Le Risque d’une dévaluation du Renminbi est réel», sa lecture peut être utile. Le risque cité par Magnus est le suivant : le gouvernement chinois doit baisser les taux pour aider l’économie et ceci va mécaniquement peser sur le renminbi.

L’année dernière, Anne Stevenson-Yang, qui a vécu vingt ans en Chine, en tant que journaliste mais aussi représentante du conseil US-China, a publié « Wild Ride, a short history of the opening and closing of the Chinese economy ». Elle  y explique que la thèse de la Chine rejoignant le modèle occidentale est fausse depuis le début. La réalité, selon elle, est que post Tian’anmen (1989), le pouvoir communiste chinois est arrivé à la conclusion que la seule manière de garder le pouvoir politique  était d’offrir de la croissance économique au peuple. Pour lancer ce mouvement, Deng Xiaoping n’y allait pas de main morte pour un communiste en déclarant, en 1992, lors de sa tournée dans le sud du pays : « To get rich is glorious. » Ce changement de ton – dans une économie dirigée – accompagnée d’une ouverture des vannes du crédit en grand a généré beaucoup de croissance, beaucoup de dettes, beaucoup d’inégalités et beaucoup de capital mal alloué. Ça a donc été une course en avant pendant vingt ans, mais dont l’objectif premier n’était pas la croissance économique mais le pouvoir politique. Et à partir du moment où il y a eu une divergence entre ces deux objectifs, c’est le politique qui a primé, comme le montre le musèlement des grands patrons ou la mainmise sur Hong Kong.

Dernières lignes du livre :

« La Chine est, et a toujours été, une terre ancienne avec une culture politique profondément résistante au changement. La croissance effrénée de la Chine et son expérience du capitalisme de l’Ouest des quatre dernières décennies furent décidées et mises en place par le Parti qui suivait un unique but : sa survie. Et le Parti n’a désormais plus besoin du monde extérieur. En fait, s’il veut survivre il doit désormais remettre la Chine dans l’état d’isolement qui a caractérisé une si grande partie de son histoire. »

J’ai demandé ce qu’il pensait de cette thèse à Jonathan Anderson, le fondateur d’Emerging Advisors. Jonathan est l’ancien économiste des marchés émergents mondiaux de la banque d’investissement UBS, où il a travaillé pendant près de dix ans. Avant cela Goldman Sachs et FMI, où il a été représentant résident en Chine et en Russie. Il a obtenu une maîtrise et un doctorat en économie à l’université de Harvard et parle couramment le russe et le chinois mandarin. Il connaît donc bien son sujet*.

Voilà sa réponse : « Salut Charles, non, je n’ai pas lu le livre, mais la conclusion ne me surprend pas. Pour ceux qui sont sur le terrain, la tendance est assez évidente. La seule chose que j’ajouterais est que pour la plupart des observateurs (et je suppose qu’Anne ne fait pas exception ?), la conclusion est basée principalement sur la géopolitique… alors que, selon notre propre travail, il est également crucial de comprendre que la tendance est fortement dictée par les pressions et les déséquilibres macroéconomiques sous-jacents. En d’autres termes, même si les relations entre les États-Unis et la Chine devaient s’améliorer et/ou si l’environnement politique intérieur devait changer radicalement, la Chine n’aurait guère d’autre choix que de se fermer davantage… »

Les scénarios de Jonathan sont soit ceux de la Chine suivant le chemin de Poutine avec la Russie, soit le chemin de la Corée du Nord. Voilà sa thèse: « Si vous voulez un bon indicateur historique de l’avenir économique de la Chine alors qu’elle entame la deuxième décennie de l’administration de Xi Jinping, confrontée à un environnement géopolitique qui se dégrade rapidement et à de nouveaux défis socio-économiques à l’intérieur du pays, nous vous suggérons de regarder de très près la Russie, qui a vu sa propre situation se dégrader jusqu’à devenir quasi paria il y a dix ans – et qui, dans le processus, est passée de l’une des économies les plus risquées et orientées vers la croissance dans le monde émergent à l’une des plus prudentes et conservatrices, c.-à-d., de « Poutine 1.0 » à « Poutine 2.0 ».

Les parallèles entre l’expérience actuelle de la Chine et celle de la Russie au cours des quinze dernières années sont étonnamment étroits, puisque Pékin a verrouillé ses bilans et réduit son exposition aux risques économiques et sociaux au détriment de la croissance. Il en résulte que les investisseurs pourraient être amenés à repenser fondamentalement la demande de la Chine continentale et les perspectives d’ouverture pour les cinq à dix années à venir. »

Conclusion :  voici trois voix différentes, bien renseignées sur le sujet, qui envisagent un renfermement de la Chine pour des raisons à la fois politiques et économiques. Il y a plusieurs conclusions à tirer de cela, sur les supply chains et sur l’équilibre géopolitique. Mais déjà on peut baisser un peu la valorisation des sociétés occidentales avec une exposition significative à la Chine.

* Merci encore à Cyril Castelli de RCube de m’avoir introduit auprès de Jonathan il y a quelques années.

 

Focus marchés et portefeuille

Comportement

Cette semaine le fonds a gagné +0.6%, lorsque le CAC40 perdait -0.6%, et le S&P500 gagnait +1.5%. Notre exposition aux taux longs américain a fait un tiers de la performance, tout comme notre ligne de Concentrix.

 

Lignes

Quelques modifications dans le portefeuille cette semaine.

Nous sommes entrés dans Braze (0.5%). Mené par son co-fondateur Bill Magnuson – un type vraiment brillant passé par le MIT, Google et Bridgewater – Braze est une plateforme cloud de gestion de la relation client. Sa marque de fabrique ? La réactualisation constante de la stratégie marketing du client grâce à leurs montagnes de données.

Nous avons dans le même temps réduit nos positions dans Lamb Weston (3%) et Unilever (3.5%), pour rester dans les limites règlementaires.

 

Bonne semaine à vous,

Charles

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