Ce soir Trump parlera sur les droits de douane. Et en lisant les commentaires inquiets d’économistes réputés, le personnage qui me vient à l’esprit n’est pourtant ni Néron ni Machiavel. C’est à Dupontel que je pense. Parce que la caractéristique première de Trump, comme celle de Dupontel, c’est d’être imprévisible.
Exemple : le 23 octobre 2019, Trump, Président, déclare lors d’une visite à Pittsburgh :
« Nous construisions un mur, un mur magnifique dans le Colorado. Un mur très haut qui fonctionne vraiment, vous ne pouvez pas passer par-dessus, vous ne pouvez pas passer par-dessous. »
Sauf que si vous regardez la carte des états américains – pour ceux qui, comme moi, ont de mauvais souvenirs de leurs cours de géographie -vous le voyez le Colorado, pas loin du milieu, entouré d’états… américains ?
La réaction à la déclaration de Trump fut une nuée de hurlements sur son niveau intellectuel. Mais quel fut le vrai résultat de ce speech ? L’immigration – thème favori de Trump – remise tout en haut de la pile des news et un buzz impossible à atteindre par d’autres moyens.
J’ai pêché cette anecdote dans « Les Ingénieurs du Chaos » de Giuliano da Empoli (Lattès, 2019). C’est vraiment un bouquin qui ouvre les yeux sur le fonctionnement du monde d’aujourd’hui*. L’exemple le plus intéressant est celui du mouvement Cinq Etoiles en Italie, sorti de nulle part pour devenir premier parti d’Italie en 2018. Le cerveau derrière ce mouvement, ce n’est pas Beppe Grillo, qui ne jouait qu’un rôle de mascotte. C’est Gianroberto Casaleggio (1954-2016), un geek, qui a compris plus vite que d’autres l’impact d’internet sur la société. Il disait:
« La politique ne m’intéresse pas, ce qui m’intéresse c’est l’opinion publique ».
La technique consiste à comprendre où est l’opinion publique, puis à surfer sur elle pour prendre le pouvoir. C’est du populisme mais moderne. Retenez le titre : si vous cherchez le chaos, vous devez faire des déclarations totalement décalées par rapport au consensus. Mais ces déclarations ne sont pas des positions de principe. Juste des moyens de parvenir à ses fins. Et pour Trump l’objectif final est clair : des deals. Une fois qu’il les aura, ses deals, il fera un 180 avec ses interlocuteurs et tapera dans le dos de ceux qu’il conspuait quelques jours avant.
Il y a un siècle ; Théodore Roosevelt, à la même place, définissait la stratégie américaine ainsi :
« Speak nicely and carry a big stick.»
Trump a juste supprimé le « nicely ».
*Cela ne concerne pas que le domaine politique : rappelons que derrière l’élection de Trump en 2016 celui qui gérait ces systèmes pour Trump était Robert Mercer, ancien patron du premier hedge fund du monde, Renaissance. Il est donc évident que ces techniques de manipulation d’opinion sont également présentes dans les marchés. On s’étonnera donc moins des évolutions de certains cours. Et c’est une donnée à intégrer dans le sizing des positions.