« Pleased »
15 septembre 2023
Le billet arrive tard cette semaine parce que je me suis retrouvé empêtré dans mes analyses.
Je voulais vous faire un truc simple sur Dollar General, à la sauce Monocle.
Le plan était le suivant:
Acte I – Le business
Le business de Dollar General a été résumé en une phrase par son fondateur, Cal Turner, il y a 75 ans :
« Le mieux c’est de vendre des trucs chers à des gens riches. Mais il y a beaucoup de monde sur ce segment. Donc nous, nous allons vendre des trucs pas chers aux gens fauchés. »
La société est restée fidèle à ce motto. Ni les endroits où elle installe ses magasins, ni la clientèle autour, n’intéresse la concurrence. Sur un podcast récent, où plusieurs maires de petites villes étaient interrogés pour ou contre Dollar General, on pouvait entendre: « on a demandé à Walmart d’ouvrir chez nous, ils ont dit non. Target a dit non. Aldi a dit non. Donc pas le choix. Et c’est vrai que Dollar General a des défauts – assortiment limité, peu de produit frais etc… – mais c’est mieux que rien. »
Et la société s’est donc développée sur ces « food deserts », en augmentant de 50% son nombre de magasins en 7 ans. On est passé de 13.000 magasins à près de 20.000. C’est la première chaîne retail aux Etats-Unis.
Voilà pour la big picture.
Acte II – le COVID et le marché
Avec le COVID et les aides du gouvernement, les clients de Dollar General se sont retrouvés avec plus d’argent que d’habitude. Et comme ce sont des consommateurs avec des petits moyens, ils n’ont pas thésaurisé, ils ont tout dépensé. Donc Dollar General en a bien profité. Les marges sont montées, l’action avec. Comme souvent, Wall Street a mis des multiples élevés sur des marges élevées. A l’été 2022, l’action affiche un PE de 25 et JP Morgan parle d’une « rare opportunité. » Wells Fargo est encore plus optimiste après une visite sur site.
Acte III – Todd Vasos enfile son parachute
Un qui a compris que Wall Street s’est emballé, c’est le patron. Il réagit et annonce… qu’il s’en va. L’action est à $250 contre $70 il y a trois ans. Todd Vasos déclare que leur concurrent le plus proche – Dollar Tree – est « dans la poussière » et il se retire sous les applaudissements.
Avant de partir il fignole son programme de rachat d’actions : pas loin de $8 Mds en trois ans, dont les derniers financés avec de la dette, pour acheter l’action au plus haut. On peut avoir un doute sur l’intérêt à long terme de l’opération mais c’est quoi qu’il en soit bon pour les stock options de Todd.
Acte IV – Jeff Owen prend les manettes
Après 30 ans de maison, Jeff la connaît par cœur. Et il est COO (Chief Operating Officer) depuis 3 ans, le tremplin idéal pour le top job. Et il a une autre qualité : c’est un éternel optimiste. Car, juste après avoir pris les manettes, la descente commence. Les résultats sont inférieurs à ce qui était annoncé, le marché réalise qu’il y a beaucoup de stocks dans ces magasins. A quoi Jeff répond à chaque fois deux phrases magiques : le management est « very pleased » et « very confident ».
Et à chaque fois, il ajoute « mais on va quand même réviser nos projections à la baisse. » Le marché adore : l’action passe de $250 à $220 en mai. Puis $160 début juin où l’action perd 20% en une seule séance après la publication du Q1 (où Jeff dit 13 fois qu’il est « pleased »). Rebelote le 31 Août, l’action descend à $130 – on remonte à 17 « pleased » pendant le call. Evidemment, les analystes qui ont passé les douze derniers mois à rayer leurs modèles pour ajuster plus bas ne sont pas eux very « pleased ». Et les actionnaires qui ont suivi leurs recommandations encore moins.
Acte V – Monocle rentre en piste.
Nous on arrive là, à $130, en se disant « ok, le problème est temporaire, Dollar General est un bel actif, les marges vont se restaurer. » On a en tête $170 d’objectif de cours et on investit 4% du fonds. Sauf que depuis qu’on est rentrés, nous continuons de creuser.
J’ai lu le bouquin du fondateur, Cal Turner. Je lis le bouquin du concurrent Macon Brock, qui a fondé Dollar Tree dans les années 80. Nous avons creusé les comptes un peu plus en profondeur. Et la conclusion c’est que ce n’est pas si simple ce dossier. Les effets positifs de la pandémie sont désormais derrière nous. Le client de Dollar General est sous pression financièrement avec l’inflation, et la hausse à venir du chômage ne va pas arranger les choses. Enfin il y a toujours beaucoup, beaucoup trop de stocks.
Donc après bien pesé le pour et le contre, nous allons garder nos 4% pour le moment, mais pas plus. A moyen terme je ne suis pas trop inquiet. A court terme c’est plus délicat. Jeff est-il capable d’arriver avec des résultats épouvantables début décembre en nous disant cinquante fois qu’il est « pleased » ? Oui 😕
Mais si ça arrive, je pense que le board lui fera prendre la même porte de sortie que Todd Vassos – mais sans le parachute.
Comme vous le voyez, l’acte V est brouillon, rien de limpide. Mais ça fait partie de ce métier. Ceux qui vous disent « c’est sûr que l’action XYZ va doubler » font un autre métier.
Nous on creuse, on se gratte le crâne, et on fait au mieux. Pour l’instant ce sera 4% en Dollar General.
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