Cette femme, c’est Kati Karikó avec son mari et sa fille Susan. Nous sommes en 1985, elle vient d’avoir trente ans et de faire ses valises pour quitter sa Hongrie natale pour les Etats-Unis. Le gouvernement hongrois interdit de sortir plus de $100 du pays, donc Kati a cousu le reste de sa fortune – $900 – dans l’ours en peluche de sa fille Susan.

Kati quitte la Hongrie car son université n’a plus de budget. L’arrivée aux Etats-Unis permet de continuer, mais il faut ramer. Et Kati rame. Elle a bien un doctorat de biochimie, mais elle a une idée fixe et personne n’y croit.

Kati n’obtient jamais de réelle subvention pour ses travaux. A l’université de Pennsylvanie, elle est tout en bas de l’échelle. Pendant toutes ces années, elle continue de ramer.

Des années plus tard, en 2013, Kati accompagne sa fille à une compétition sportive en Allemagne. Par hasard, elle y croise quelques scientifiques. Elle fait son pitch sur son idée fixe : utiliser l’ARN messager pour apprendre aux cellules à fabriquer leurs propres défenses. L’interlocuteur de Kati, c’est Uğur Şahin, le fondateur de Biontech. Il marche à fond pour cette idée. Kati écrira plus tard : « C’était la première fois de ma vie que je n’avais pas à expliquer que l’ARN est une bonne chose, parce que tous les gens qui étaient là y croyaient déjà« .

Uğur Şahin se souvient bien de cette réunion : « Nous partagions le même enthousiasme pour l’ARNm et la recherche. Je lui ai donc simplement demandé si elle souhaitait travailler avec moi, ici à Biontech« . Kati Karikó a accepté l’offre et a rejoint la famille Biontech en 2013. Kati allait continuer à ramer pour mettre au point son vaccin, mais cette fois avec des gens qui croyaient en elle.

Hier, Kati a obtenu le prix Nobel de médecine. Sur 227 Lauréat depuis le lancement en 1901, c’est la 13e femme à l’obtenir. Kati a déménagé l’an dernier en Pennsylvanie pour se rapprocher de sa famille mais continue à collaborer avec Biontech en tant que consultante externe. Elle continue aussi de ramer sur sa recherche, pour appliquer cette technologie à d’autre secteurs : grippe, cancer, malaria, sida.

Et à force de voir sa mère aimer ramer, sa fille Susan s’y est mise également. Mais avec des vraies rames. Comme sa mère, elle ne s’est arrêtée qu’une fois au sommet : médaille d’or aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Rebelote à Londres en 2012.

Uğur Şahin c’est celui qui a cru en elle. C’est le patron de Biontech, qui, malgré une hausse de 10% ces derniers jours, ne vaut toujours pas grand-chose (Capi $27 Mds) par rapport à son cash, ses actifs et son fondateur. C’est toujours la première ligne du fonds (9%).