J’aime bien Steve Sosnick, le stratégiste d’Interactive Brokers. C’est un vrai bon et à un poste d’observation de choix vu la taille des flux passant par sa société. Et d’habitude il écrit plutôt bien. Donc quand je le vois s’engluer, dans sa dernière lettre, en nous disant que <<TINA et FOMO sont morts et remplacés par MOMO>>, ça sonne tellement mal que cela révèle le trouble de l’auteur devant ces conditions de marchés.

Pour ceux qui ne connaissent pas ces acronymes :

• FOMO c’est « Fear Of Missing Out » ou « Peur de ne pas participer » : on achète parce qu’on a peur de ne pas être dans le train. Régime des marchés des 5 dernières années.
• TINA :« There Is No Alternative » donc pas d’autres choix que d’acheter des actions. Ce truc-là est né quand les taux ont été mis à zéro et qu’il n’y avait donc pas d’autres alternatives pour mettre son argent que les actions.
• MOMO c’est le « momentum » ou la tendance qu’a un actif qui monte à monter encore plus haut, ou un actif qui baisse à baisser encore plus bas.

Sosnick nous dit qu’on est sorti de la phase TINA/FOMO où, à chaque fois que le marché baissait un peu, des flux acheteurs arrivaient pour le faire repartir. Le problème est qu’à force de jouer à ce jeu-là, les valorisations sont devenues tendues, donc casse-gueule.

Voilà le commentaire hier soir de Jeremy Siegel, le prof d’économie de Wharton, 79 ans d’optimisme quasi-permanent sur les marchés : « Bien qu’il y ait un potentiel de rebond, les valorisations du marché sont élevées par rapport au passé, et il n’y a donc pas encore d’incitation forte à l’achat agressif. »

Illustration en une image du niveau de valorisation (source Bloomberg):

Oui, nous sommes au pic, au-dessus des plus hauts de 1929 et 1999 – et c’est un indice composite d’éléments factuels de valorisation, pas une enquête de sentiment.

Et voilà le Free-Cash Flow des Magnificent 7 :

Si vous plissez les yeux comme Charles Bronson pour chercher la petite ligne jaune de Tesla, ce n’est pas un problème de vue, c’est que la ligne est petite. Après la baisse de 50% du cours en trois mois, Tesla vaut encore $740 Mds. Pour une boîte qui a dégagé $3.5Mds de Free Cash Flow l’année dernière, ce n’est pas beaucoup, c’est trop.  Et sur le reste des Mag7, oui ça a doublé depuis le COVID, non il n’est pas écrit que ce rythme continuera dans les années à venir.

Parce que face à ces valorisations élevées, vous avez des signaux macros pas bien bons, avec une inflation plus tenace que prévue et un chômage qui remonte.

Siegel encore « forte augmentation du taux de chômage U-6, l’une des plus importantes jamais enregistrées en dehors d’une période de récession. » Il craint qu’on ne soit au début d’une récession (2001 ou 2007, au début des zones grises sur ce graphique).

Au milieu de cela on a Trump et son orchestre, qui a un répertoire assez vaste, et peut passer de la Marche Funèbre à la Samba en un tweet.

En résumé : valorisations élevées, inflation pas morte, risques de récession et incertitudes politiques. Comment est construit notre portefeuille face à cela ? D’une part nous avons des belles sociétés de long terme où nous avons bien gagné notre vie mais nous sommes très vigilants sur les prix – cf Billet du Bambou. A l’inverse, si les valos ont beaucoup corrigé, nous remettons des tickets – comme sur OKLO hier à $23 après avoir vendu à $55 il y a quelques semaines.

D’autre part nous avons des dossiers de type “situation spéciale” où la valorisation est tellement au ras des pâquerettes que le risque de marché est faible. Le risque là-dessus c’est que l’événement que nous attendons n’arrive pas. Si Bayer ne trouve pas de solution sur le glyphosate, si Capri ne vend pas Versace etc…

Pour revenir à Sosnick, même si c’est MOMO qui reprend les manettes et que les gens se mettent à vendre, ils ne vont pas vendre du Bayer ou du Capri – parce qu’ils n’en ont pas. Ils vont vendre ce qu’ils ont : les trucs qui étaient très à la mode ces deux dernières années. Faites attention à celles-ci.

Du 28 Février au 7 Mars, Monocle ne bouge pas, tout comme le CAC 40. Le S&P 500 perd quant à lui 3.1%.

On avait bien réduit notre exposition aux valeurs les plus richement valorisées ces dernières semaines. Ça nous a permis d’éviter une bonne partie de la baisse sur certaines valeurs US comme Oklo qui a perdu 20% la semaine dernière.

Moderna a nettement rebondi la semaine dernière. Le CEO, Stéphane Bancel, a racheté pour 5m$ d’actions, de quoi envoyer un bon signal au marché. Le titre gagne 15% sur la semaine, nous rapportant 30bps.

Les résultats de Bayer ont été appréciés, et Novagold a suivi le chemin de l’or. Chacune de ces positions nous rapporte 15bps.

Comme expliqué dans le Billet un peu plus haut, nous avons profité de la baisse pour remettre des tickets sur nos lignes. Affirm avait publié des bons résultats, avec une croissance qui tenait nettement mieux que ce qu’on anticipait. On l’a repassé à 1% après une nette correction du titre (-40% vs les plus hauts).

Raisonnement similaire sur Oklo (après une baisse du titre plus marquée de -60%) et Ouster. On passe leur position à 1.5% et 2.0% du portefeuille respectivement.

On a également décidé d’augmenter notre exposition à Capri. On attend une décision assez rapidement concernant la vente de Versace qui changerait la perception du marché sur le titre. On a profité d’une baisse de 10% pour passer notre ligne à 5%.

Enfin avec la baisse du S&P, nos options à la vente sont entrées dans la monnaie. On a cédé les deux tiers de notre position longue.

On a aujourd’hui une exposition nette à 45%.